Tout savoir sur la Spiruline
Outre dans le domaine de la malnutrition, elle est utilisée dans des domaines variés. Elle est utilisée pour :
- équilibrer une alimentation par ses apports en micro-nutriments ;
- améliorer les capacités sportives par ses teneurs en fer, vitamine B12 et ß-carotène ;
- lutter contre l’asthénie par son apport en oligoéléments et vitamines ;
- freiner le vieillissement cellulaire par les propriétés antioxydantes du ß-carotène, de la phycoyanine et de la vitamine E ;
Elle est utilisée en aquariophilie et en aquaculture pour favoriser la croissance des poissons et des crevettes, renforcer les défenses immunitaires des poissons d’élevage, améliorer la fertilité et stimuler la coloration des poissons d’ornement tels le Xiphophorus helleri.
Dans l’industrie agroalimentaire, elle est utilisée pour la nutrition des animaux (chats, chiens, chevaux, vaches et taureaux) mais aussi dans l’alimentation humaine comme colorant bleu naturel (chewing gums, sorbets, sucreries, produits laitiers, boissons). La phycocyanine est un des rares pigments naturels de couleur bleue.
En cosmétologie, elle est utilisée dans les masques cryogéniques et crèmes anti-âge, par son action sur le renouvellement cellulaire.
Dans le cadre du programme MELISSA, l’agence spatiale européenne s’est intéressée à la Spiruline qu’elle intègrerait dans un écosystème artificiel fermé dans le compartiment photoautotrophe, d’une part pour équilibrer la ration alimentaire, d’autre part pour régénérer l’atmosphère par photosynthèse.
Le casse-tête réglementaire de la spiruline bio française
La fédération des spiruliniers de France s’attache à défendre un modèle de production local de la spiruline en France. Elle monte au créneau contre la spiruline bio d’importation qui inonde le marché français. Explications.
« La spiruline a été classée dans les algues marines par le règlement européen définissant la production biologique, ce qui est une erreur, car il ne s’agit pas d’une algue, mais d’une cyanobactérie, un microorganisme aquatique vivant grâce à la photosynthèse », observe Amandine Leruste-Calpena, chargée de mission Recherche et développement à la fédération des spiruliniers de France (FSF). «En plus, la spiruline se développe principalement dans des eaux saumâtres riches en nutriments, comme les lacs et cratères volcaniques», ajoute-t-elle. Ce classement par le Règlement n°2021/1165 rend difficile la certification AB de la spiruline produite en France, sauf à importer des engrais azotés minéraux. En effet, aucun intrant produit en Europe ne répond aujourd’hui efficacement à ce cahier des charges, selon la FSF.
Représentant entre 60 et 70 % des producteurs suivant les années, avec environ 130 adhérents, la FSF accompagne le développement de la filière depuis 2009. Elle aide notamment les spiruliniers à mieux produire, en lien avec des pratiques proches de l’agriculture biologique.
Une question d’azote pour faire pousser la spiruline
La spiruline contient entre 59% et 65% de protéines, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Et pour construire les protéines, il faut de l’azote. Toutefois, le classement en tant qu’algue marine pour la réglementation bio ne permet pas l’utilisation de pratiques qui ont fait leurs preuves, estiment les professionnels.
Amandine Leruste-Calpena explique : «Le principal frein à une large certification de notre spiruline est la restriction d’utilisation de nourriture uniquement à l’azote minéral d’origine végétale ou naturelle. Les intrants synthétiques, ou d’origine animale produits en économie circulaire, par valorisation de déchets agricoles tels que le fumier, ne sont pas autorisés en production bio pour la spiruline.»
Cela ne fait pas l’affaire des producteurs français qui utilisent le plus souvent de l’urée. «L’urée est synthétisée à partir d’ammoniac, lui-même obtenu à partir de l’azote atmosphérique, et de CO2, par une réaction à chaud et sous pression, détaille Amandine Leruste-Calpena. Il a l’avantage d’être pur et entièrement consommé par la spiruline et transformé en protéines.»
Elle s’insurge : «La FSF et ses partenaires techniques ont testé de nombreux intrants azotés compatibles avec le cahier des charges de l’agriculture biologique, fabriqués à partir de végétaux. Malheureusement, seulement deux d’entre eux ont permis d’obtenir une spiruline de qualité sanitaire satisfaisante à notre connaissance. Ils sont fabriqués à partir de soja importé d’Amérique latine et de canne à sucre d’origine thaïlandaise. La Commission européenne devrait bientôt autoriser des produits à base de nitrates du Chili, une source d’azote minérale naturelle qui a montré son efficacité pour la production de spiruline. Malgré tout, son origine lointaine et son extraction posent aussi des problèmes éthiques et écologiques.»
Le refus d’importer de l’azote minéral
Yannick Lopez, producteur de la spiruline de l’Essen’Ciel dans les Hautes-Alpes confirme cette difficulté. Alors qu’il conduit le reste de sa ferme en agriculture bio et certifiée AB, il a fait le choix de ne pas se tourner vers la spiruline biologique. Lui qui produit environ 300 kg de spiruline paysanne par an explique son choix : «La spiruline étant un être vivant qui se nourrit uniquement de minéraux, il convient d’adapter la réglementation de l’agriculture biologique à cette production. Or pour obtenir la certification bio actuellement, il faut ainsi avoir une source d’azote minéral naturel ou d’origine organique… Aussi, nous sommes face à des aberrations : le soja ou la canne à sucre qui sont avant tout des aliments- subissent un process industriel pour obtenir de l’azote minéral afin de répondre au cahier des charges bio.»
Il poursuit : «Aussi, je préfère utiliser de l’urée, qui n’est pas issue de cultures alimentaires d’Amérique Latine ou d’ailleurs et qui répond très bien aux besoins nutritifs de la spiruline. Nous avons en Europe et en France, des usines capables d’obtenir cet azote minéral pur… Le jour où nous aurons vraiment trouvé un azote minéral d’origine organique européen voire français ayant une consommation d’énergie grise faible et répondant à des exigences sociales et environnementales, nous pourrons alors nous engager dans cette démarche de certification bio.»
Une spiruline bio majoritairement importée
Le règlement européen permet l’importation de spirulines produites hors Europe grâce aux «régimes d’équivalences». Ces régimes permettent aux importateurs de vendre en France pour des spirulines produites hors Europe, selon des cahiers des charges locaux, estampillées du label bio AB européen.
Avec une consommation totale estimée à environ 500 tonnes en France, la spiruline cultivée à l’étranger inonde le marché français. «L’ensemble de nos adhérents produisent environ 45 tonnes», partage Amandine Leruste-Calpena. Et le choix de l’engrais n’est pas anodin, puisque pour cette production, «nous avons estimé la quantité d’azote à apporter pour nos adhérents à environ 34 tonnes», ajoute-t-elle. À savoir que les engrais ayant des compositions variables, les quantités à utiliser dépendent de leur concentration en azote.
«Aujourd’hui les produits importés de Mongolie, d’Inde, de Madagascar ou des États-Unis inondent le marché. Ces produits bénéficient de régimes d’équivalence qui leur permettent d’afficher le logo AB malgré des procédés de production industriels peu accessibles. Ces méthodes de production industrielles et le coût de la main d’œuvre dans ces pays leur permettent d’inonder le marché avec des produits beaucoup moins chers», regrette Amandine Leruste-Calpena. Sauf mention explicite «Agriculture France» ou «Cultivée en France», la spiruline labellisée AB est donc en très grande majorité une spiruline d’importation.
Une production locale, bio ou les deux ?
Un agriculteur français peut passer au bio grâce à des engrais importés. Mais très peu passent le cap. En effet, la fédération travaille encore à la recherche de sources azotées bio produites en France. «Sur nos 130 adhérents, à notre connaissance, une dizaine produisent en bio et un est en conversion, car la certification était incontournable pour des raisons économiques, assure Amandine Leruste-Calpena. La spiruline paysanne française, nous la considérons écologique, principalement parce qu’elle est très économe en énergie et en eau, et que les producteurs mettent tout en œuvre pour valoriser des procédés de production durables, une nutrition raisonnée.» Pour sa part, Yannick Lopez refuse toute certification AB tant qu’il n’y aura pas d’évolution de la réglementation européenne. Et ce, d’autant plus que «la seule différence entre une spiruline bio et paysanne, c’est l’origine de l’azote minéral…», assure-t-il.
En France, la spiruline est produite dans des bassins sous serre, basée sur la reproduction des conditions naturelles de vie de la cyanobactérie. La spiruline se développe dans de l’eau douce enrichie en nutriments et en sels minéraux : azote, carbone, phosphore, potassium, magnésium, fer, oligo-éléments (zinc, cuivre, …). La chargée de mission Recherche et développement à la fédération des spiruliniers de France l’assure : « La spiruline française est écologique, car elle est cultivée de mars à octobre en conditions naturelles, le milieu n’est ni éclairé ni chauffé artificiellement. Sa culture nécessite uniquement les nutriments nécessaires au métabolisme de la spiruline. »
La fédération attend depuis 2017 une réponse de la Commission Européenne à ses demandes d’amendements pour faire évoluer les critères de sélection des intrants acceptés par le règlement européen. Elle espère notamment un jour pouvoir utiliser des intrants azotés, fabriqués à partir de digestats de méthanisation et des déchets de type fumier et lisier.
Le projet MELiSSA.
Le 1er juin 2021, Thomas Pesquet déclare* depuis l'ISS lors d'une liaison avec la Terre : « Nous avons besoin d’air, d’oxygène et d’eau, nous avons plusieurs expériences pour tenter d'être complètement autosuffisants à bord de l’ISS, notamment avec un essai qui consiste à voir si la spiruline peut absorber le dioxyde de carbone. »
Le projet MELiSSA, acronyme de "Micro-Ecological Life Support System Alternative", est une initiative de l'Agence spatiale européenne (ESA) visant à développer un système de support de vie fermé et autonome pour les futures missions spatiales, notamment les missions longue durée vers la Lune, Mars et au-delà.
L'une des composantes du projet est l'utilisation de la spiruline pour la régénération de l'oxygène et le recyclage des déchets organiques. Elle est particulièrement bien adaptée à cette tâche, car elle peut croître en utilisant le dioxyde de carbone exhalé par les astronautes et les déchets organiques générés à bord d'une mission spatiale. En retour, elle produit de l'oxygène et de la biomasse comestible.
Le projet explore comment utiliser la spiruline et d'autres microorganismes pour créer un système durable de support de vie en milieu fermé dans l'espace, réduisant ainsi la dépendance à l'approvisionnement depuis la Terre.
L'utilisation de la spiruline occupe une place centrale, également en raison de ses remarquables avantages nutritionnels et thérapeutiques, qui en font un atout précieux pour l'autosuffisance alimentaire et la santé des astronautes lors de missions de longue durée.
Composition moyenne pour 100g de spiruline